Mad Tea Party
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 Taverne de la Sirène [LIBRE!]

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Taverne de la Sirène [LIBRE!] Empty
MessageSujet: Taverne de la Sirène [LIBRE!]   Taverne de la Sirène [LIBRE!] Icon_minitimeDim 5 Avr - 15:27

    L'obscurité régnait dans la grande salle de la Taverne, comme le silence. La demeure semblait vide de toute âme humaine. Et pourtant, un auditeur averti, ou plutôt un auditeur à l'ouïe particulièrement acérée, aurait deviné la respiration rapide d'un enfant à l'étage. Mais seule cette enfant était à demeure : sa mère était absente, et les domestiques n'étaient pas encore arrivés. Il était encore tôt, l'auberge n'ouvrait pas tout de suite.

    Et puis le loquet remua et la porte s'ouvrit, laissant passer un rai de lumière sur le sol. Une silhouette se profila en contre-jour, et cette silhouette se fit reconnaître comme celle de Lucia, la maîtresse des lieux. Tout de noir vêtue, comme à son habitude, la tavernière portait au bras un lourd panier, rempli de victuailles. Elle poussa la porte pour laisser passer ses garçons de courses, qui apportèrent le reste des provisions dans la cave et dans la cuisine. C'était jour de marché, et la propriétaire de la Taverne de la Sirène était allée renouveler ses stocks. Elle tendit son panier à un des domestiques qui revenait vers elle, puis elle alla ouvrir les volets d'un pas pressé. La froide lumière d'un après-midi pluvieux éclaira paresseusement la grande salle au bas plafond et aux nombreux piliers.

    Lucia se dirigea vers la cuisine, afin d'ouvrir la porte de service, et ordonna aux employés déjà présents d'allumer les feux de l cuisine et surtout ceux de la grande salle. Bientôt des flammes dansaient partout joyeusement, dans toutes les cheminées, dans tous les fours, apportant une note joyeuse et chaleureuse à la taverne. Les cuisinières et les serveuses commencèrent elles aussi à arriver par petits groupes, à se mettre aux fourneaux, à mitonner des plats pour les clients.

    Satisfaite, Lucia monta à l'étage. Extirpant une clé qui lui pendait au cou, elle déverrouilla une porte qui restait toujours close, et entra dans une chambre où il faisait toujours sombre. La mère mit quelques secondes à s'accoutumer à l'obscurité, puis elle alla écarter très légèrement un des rideaux de la fenêtre. Elle se dirigea ensuite vers le lit et s'assit dessus. Une petite fille de 8 ans, pâle et mince était assise sur ce lit. Mais ce qui surprenait était que ses yeux étaient bandés par un foulard. C'était Susan, la fille de Lucia. C'était le secret de Lucia. Tout le monde croyait que la fille de la tavernière était morte à la naissance, encore, mais la petite avait survécu. Sa mère l'avait juste cachée, les yeux bandés, pour ne pas lui infliger son pouvoir.

    « Bonsoir Susan. Tu as passé une bonne journée ? »

    Que pouvait faire la petite de toute la journée ? Elle était enfermée dans sa chambre et n'en sortait pas. Elle ne se servait pas de ses yeux alors elle ne pouvait ni lire ni jouer. Que faisait-elle ? Elle pensait. Mais Lucia, Lucia qui aimait tant sa fille, ne savait pas, ne pouvait pas savoir que ce à quoi pensait la petite fille, c'était à la haine qu'elle éprouvait pour sa mère. Et Lucia, la pauvre Lucia, ne pouvait pas savoir que dès qu'elle sortirait de la chambre, sa chère petite Susan qui ne lui adressait presque plus la parole depuis quelque temps, que cette petite Susan allait ôter son bandeau et s'enfuir par la fenêtre jusqu'à minuit.

    Alors Lucia posa le bol de viande qu'elle avait apporté sur les genoux de sa fille et la nourrit avec tout l'amour débordant, l'amour collant, l'amour étouffant qu'elle éprouvait pour sa fille. Mais Susan faisait la fine bouche, ne voulut presque rien avaler. Que pouvait faire la mère ? Elle se leva et sortit de la chambre, n'oublia pas de fermer soigneusement la porte à clé, et redescendit.

    Et pendant qu'elle astiquait soigneusement le bar où viendraient bientôt s'accouder des dizaines de clients, une silhouette menue sortait par la fenêtre et allait jouer au feu-follet dans les bas-quartiers.

    Bientôt, il fut sept heures, et les clients commencèrent à arriver, domestiques, ouvriers, marins, portefaix, voleurs, femmes de petite vertu, lavandières et tant d'autres, qui se côtoyaient dans ce joyeux brouhaha, se rejoignant autour d'un verre de bière ou de vin chaud, se racontant des anecdotes qui leur semblaient drôles, mangeant goulûment les plats fameux préparés par les cuisinières que Lucia avait trié sur le volet.

    La patronne restait au bar, nettoyait les verres, s'asseyait parfois, mais ses jambes fortes et musclées la soutenaient facilement. Avec chaque habitué, elle avait une petite discussion, habituée à présent à la lueur de fanatisme qui brûlait au fond de toutes les pupilles. Parfois elle se demandait si avec un tout petit peu d'arguments plus ou moins valables, elle serait capable d'aller leur dire d'attaquer le palais de la Reine. Puis elle se disait que ce n'était pas une bonne idée. Il fallait attendre les ordres de la Madame. De la rousse aux cheveux de feu.

    L'heure tournait. Lucia baîlla. Elle demanda à une serveuse de prendre sa place au bar, et s'improvisa serveuse. Elle aimait marcher entre les tables comme ça, avec un plateau sur le bras, échanger quelques mots avec tout le monde, rire un peu. Tout à coup quelqu'un commença à chanter. Les musiciens qui jouent
    piano jusque là n'attendaient que ça : bientôt se forma une farandole, on dansa. Quelques serveuses, quelques femmes montèrent sur les tables, et ce fut la joyeuse humeur que Lucia aimait tant. Mais elle ne s'y joignit pas. Elle retourna au bar, s'accouda, et regarda toute cette bonne humeur comme un spectacle auquel elle ne prendrait jamais plus part, avec une lueur nostalgique dans les yeux, dans ces yeux rouges comme la braise.
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